J.O. 66 du 19 mars 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003


NOR : CSCL0306445S



Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi pour la sécurité intérieure,

le 14 février 2003, par M. Claude Estier, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. André Labarrère, Serge Lagauche, Yves Krattinger, Louis Le Pensec, André Lejeune, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Claude Saunier, Michel Sergent, Jean-Pierre Sueur, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vézinhet, Marcel Vidal, Henri Weber, Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Marie-France Beaufils, Danielle Bidard, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade, sénateurs,

et le 19 février 2003, par MM. Jean-Marc Ayrault, Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Évin, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Simon Renucci, Mme Christiane Taubira et M. Roger-Gérard Schwartzenberg, députés ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des communes applicable en Nouvelle-Calédonie ;

Vu la loi du 12 avril 1906 modifiant les articles 66, 67 du code pénal, 340 du code d'instruction criminelle et fixant la majorité pénale à l'âge de dix-huit ans ;

Vu la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée ;

Vu l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

Vu l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi no 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française ;

Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 2 et 39 ;

Vu la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, notamment son article 1er ;

Vu la loi no 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ;

Vu la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ;

Vu la loi no 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile ;

Vu la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 24 ;

Vu la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;

Vu la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

Vu la loi no 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ;

Vu la loi no 2002-307 du 4 mars 2002 complétant la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;

Vu la loi no 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 mars 2003 ;

Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs auteurs de la première saisine, enregistrées le 11 mars 2003 ;

Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la seconde saisine, enregistrées le 11 mars 2003 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour la sécurité intérieure ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 3, 11, 12, 13, 21, 25, 28, 30, 50, 51, 53, 64, 65, 75, 76, 96, 113, 122, 123, 141 et 142 ;

Sur l'article 3 :

2. Considérant que l'article 3 de la loi déférée complète l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales par un 4° relatif aux pouvoirs de réquisition conférés au préfet en vue de rétablir l'ordre public ; qu'aux termes du premier alinéa de ce 4° : « En cas d'urgence, lorsque l'atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien et service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin » ; qu'en vertu de son deuxième alinéa, cet arrêté doit être motivé et fixer la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition, ainsi que les modalités de son application ; que son troisième alinéa dispose que le préfet peut faire exécuter d'office les mesures prescrites par son arrêté ; que les quatre alinéas suivants sont relatifs à la rétribution due par l'Etat aux personnes requises ; qu'aux termes du huitième alinéa : « En cas d'inexécution volontaire par la personne requise des obligations qui lui incombent en application de l'arrêté édicté par le préfet, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut, sur demande de l'autorité requérante, prononcer une astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 du code de justice administrative » ; qu'enfin, le dernier alinéa dispose que « Le refus d'exécuter les mesures prescrites par l'autorité requérante constitue un délit qui est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 EUR d'amende » ;

3. Considérant que les auteurs des deux saisines reprochent à cette disposition d'être rédigée en termes trop généraux et imprécis pour satisfaire aux exigences de l'article 34 de la Constitution, alors même que les pouvoirs qu'elle confère au préfet seraient susceptibles d'affecter l'exercice des libertés publiques ; qu'il en serait ainsi en particulier de la formule : « prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin » ; que la disposition contestée serait en outre, selon eux, contraire au principe de nécessité des peines, dès lors que l'astreinte prononcée par le tribunal administratif, en cas d'inexécution volontaire par la personne requise des obligations lui incombant en vertu de l'arrêté préfectoral, pourra se cumuler avec la sanction pénale prévue en cas d'inexécution des mesures prescrites par l'autorité requérante ;

4. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées tendent à préciser et à compléter les pouvoirs de police administrative appartenant d'ores et déjà à l'autorité préfectorale en cas d'urgence, lorsque le rétablissement de l'ordre public exige des mesures de réquisition ; qu'en apportant les précisions et compléments en cause, le législateur n'est pas resté en deçà de sa compétence ; qu'en outre, les mesures prises par le préfet, sur le fondement de ces dispositions, pourront être contestées par les intéressés devant le juge administratif, notamment dans le cadre d'un référé ou d'une procédure d'astreinte ;

5. Considérant, en second lieu, que l'astreinte dont le principe est institué par les dispositions précitées a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations auxquelles l'arrêté de réquisition la soumet ; qu'elle ne saurait être regardée comme une peine ou une sanction au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des principes de nécessité des peines et de non-cumul des peines pour une même faute doivent être écartés comme inopérants ;

Sur les articles 11 à 13 :

6. Considérant que ces articles prévoient de nouvelles modalités de visite des véhicules par les officiers de police judiciaire et les agents placés sous leur contrôle ; que les auteurs des deux saisines reprochent à ces articles de porter des atteintes excessives au respect de la vie privée, à l'inviolabilité du domicile, à la liberté d'aller et venir et à la liberté individuelle ; que, selon eux, ils font une place insuffisante au juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, dans le déroulement de la procédure ; que les articles critiqués seraient enfin entachés d'une incompétence négative en raison de l'imprécision qui affecterait leur formulation ;

Quant aux normes constitutionnelles applicables à la visite des véhicules :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 4 proclame que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu'en vertu de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;

8. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l'autorité judiciaire ;

9. Considérant que les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public ;

10. Considérant que, en dehors des cas où ils agissent sur réquisition de l'autorité judiciaire, les agents habilités ne peuvent disposer d'une personne que lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle vient de commettre une infraction ou lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher d'en commettre une ; qu'en pareil cas, l'autorité judiciaire doit en être au plus tôt informée et le reste de la procédure placé sous sa surveillance ;

Quant à l'article 11 :

11. Considérant que l'article 11 rétablit dans le code de procédure pénale un article 78-2-2 ainsi rédigé : « Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme visés par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal, des infractions en matière d'armes et d'explosifs visées par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et par les articles 20, 31 et 32 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, des infractions de vol visées par les articles 311-3 à 311-11 du code pénal, de recel visées par les articles 321-1 et 321-2 du même code ou des faits de trafic de stupéfiants visés par les articles 222-34 à 222-38 dudit code, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 peuvent, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. - Pour l'application des dispositions du présent article , les véhicules en circulation ne peuvent être immobilisés que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite qui doit avoir lieu en présence du conducteur. Lorsqu'elle porte sur un véhicule à l'arrêt ou en stationnement, la visite se déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par l'officier ou l'agent de police judiciaire et qui ne relève pas de son autorité administrative. La présence d'une personne extérieure n'est toutefois pas requise si la visite comporte des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens. - En cas de découverte d'une infraction ou si le conducteur ou le propriétaire du véhicule le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur absence, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et heures du début et de la fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à l'intéressé et un autre est transmis sans délai au procureur de la République. - Toutefois, la visite des véhicules spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires. - Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes » ;

12. Considérant, s'agissant de visites de véhicules réalisées sur réquisitions du procureur de la République, que la conciliation assurée par ces dispositions entre les principes constitutionnels rappelés ci-dessus n'est entachée d'aucune erreur manifeste ; que la liste des infractions figurant au premier alinéa du nouvel article 78-2-2 du code de procédure pénale n'est pas manifestement excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache à la recherche des auteurs de ces infractions ; que ces dispositions ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; que leurs termes sont assez clairs et précis pour répondre aux exigences de l'article 34 de celle-ci ; qu'il en est notamment ainsi, contrairement aux affirmations des requérants, de l'expression « lieux accessibles au public » et de celle de « véhicules spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence » ; qu'ainsi qu'il ressort des termes mêmes du premier alinéa du nouvel article 78-2-2 du code de procédure pénale, chaque renouvellement de l'autorisation du procureur de la République vaudra pour une durée de vingt-quatre heures ;

Quant à l'article 12 :

13. Considérant que l'article 12 de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 78-2-3 ainsi rédigé : « Les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21, peuvent procéder à la visite des véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant ; ces dispositions s'appliquent également à la tentative. - Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 sont applicables aux dispositions du présent article » ;

14. Considérant, s'agissant des visites de véhicules réalisées en vue de constater des infractions flagrantes, que ces dispositions sont conformes aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées en raison de la condition à laquelle elles subordonnent les visites ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; qu'elles sont formulées en termes assez clairs et précis pour respecter la mission confiée au législateur par l'article 34 de celle-ci ;

Quant à l'article 13 :

15. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 78-2-4 ainsi rédigé : « Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis, 1° ter de l'article 21 peuvent procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2 mais aussi, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République communiquées par tous moyens, à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. - Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 sont applicables aux dispositions du présent article » ;

16. Considérant, s'agissant des visites de véhicules réalisées dans le cadre de la police administrative, que ces dispositions satisfont aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus en raison de la condition à laquelle elles subordonnent ces visites ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; qu'elles sont formulées en termes assez clairs et précis pour respecter la mission confiée au législateur par l'article 34 de celle-ci ;

Sur les articles 21 et 25 :

17. Considérant que ces articles portent sur les traitements automatisés de données nominatives mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le cadre de leurs missions ;

18. Considérant qu'il est soutenu par les auteurs des deux saisines que les dispositions contestées porteraient atteinte au respect de la vie privée ; qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer certaines caractéristiques desdits traitements, en particulier la durée de conservation des données, le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence ; que certaines utilisations seraient sans lien avec la finalité des traitements ; qu'en particulier, en permettant la consultation des données nominatives à des fins d'enquête administrative, le législateur permettrait qu'il en soit fait un usage préjudiciable aux droits des personnes concernées ; que seraient méconnus le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de droit pénal des mineurs ainsi que la présomption d'innocence et le principe d'égalité ;

Quant aux normes constitutionnelles applicables :

19. Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le respect de la vie privée ;

20. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il lui appartient notamment d'assurer la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la protection de principes et de droits de valeur constitutionnelle et, d'autre part, le respect de la vie privée et des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ;

Quant au respect de la vie privée :

21. Considérant que le I de l'article 21 prévoit que : « Les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en oeuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la 5e classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'Etat, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs » ; qu'aux termes du II du même article : « Les traitements mentionnés au I peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d'âge, à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées au premier alinéa du I. - Ils peuvent également contenir des informations sur les victimes de ces infractions ; ces dernières peuvent toutefois s'opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné » ;

22. Considérant que le III de l'article 21 place le traitement des informations nominatives sous le contrôle du procureur de la République compétent ; que celui-ci peut demander qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire ; que la rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande ; qu'en cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention ; que les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles ;

23. Considérant que le IV de l'article 21 définit strictement les personnes, autres que les magistrats judiciaires, habilitées, en raison de leurs attributions de police judiciaire, à utiliser les traitements en cause ; qu'en vertu du V du même article : « Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, fixe les modalités d'application du présent article . Il précise notamment la liste des contraventions mentionnées au I, la durée de conservation des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes mentionnées au IV ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès » ;

24. Considérant que l'article 22 de la loi déférée, qui modifie l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, fixe les conditions et modalités selon lesquelles les données nominatives contenues dans les fichiers intéressant en particulier la sécurité publique peuvent être communiquées aux personnes intéressées ;

25. Considérant que l'article 23 dresse limitativement la liste des décisions judiciaires au titre desquelles une personne peut être inscrite dans le fichier des personnes recherchées ;

26. Considérant, enfin, ainsi qu'il ressort des débats parlementaires, que la loi du 6 janvier 1978 susvisée, que le législateur n'a pas entendu écarter, s'appliquera aux traitements en cause ;

27. Considérant que l'ensemble de ces garanties est de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ;

Quant à l'utilisation des traitements à des fins administratives :

28. Considérant que l'article 25 ne permet la consultation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire que pour des finalités déterminées ;

29. Considérant qu'il s'agit, en premier lieu, « des décisions de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux » ; qu'en pareil cas, la consultation a pour but exclusif de vérifier que le comportement des intéressés n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou missions envisagées ; qu'elle s'effectue dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et par la défense des intérêts fondamentaux de la Nation ; qu'elle donne lieu à information des intéressés ; qu'un décret en Conseil d'Etat doit fixer la liste des enquêtes administratives qui, en application de l'article 25 de la loi déférée, pourront donner lieu à la consultation des traitements automatisés d'informations personnelles mentionnés à son article 21 ;

30. Considérant que la consultation est également prévue « pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux » ; qu'en pareil cas, la consultation est faite par des agents de la police et de la gendarmerie spécialement habilités à cet effet ou, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, par des personnels investis de missions de police administrative désignés selon les mêmes procédures ;

31. Considérant que la consultation est enfin permise pour « l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu'au titre des mesures de protection ou de défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de défense visés à l'article 17 de l'ordonnance no 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense » ; qu'en pareil cas, la consultation est effectuée par des agents de la police et de la gendarmerie nationale spécialement habilités à cet effet ;

32. Considérant qu'aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire ; que, toutefois, cette utilisation méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées ;

33. Considérant qu'eu égard aux motifs qu'elle fixe pour ces consultations, comme aux restrictions et précautions dont elle les assortit, la loi déférée ne méconnaît par elle-même aucune des exigences constitutionnelles ci-dessus mentionnées ;

34. Considérant, en outre, qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, que ne remettent pas en cause les dispositions contestées : « Aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé » ; que les données recueillies dans les fichiers ne constitueront donc, dans chaque cas, qu'un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l'autorité administrative ;

35. Considérant, enfin, que ces dispositions ne portent pas par elles-mêmes atteinte aux droits des étrangers, lesquels ne comprennent aucun droit de caractère général et absolu d'acquérir la nationalité française ou de voir renouveler leur titre de séjour ; qu'elles ne sauraient en revanche être entendues comme remettant en cause l'acquisition de la nationalité française lorsque celle-ci est, en vertu de la loi, de plein droit, ni le renouvellement d'un titre de séjour lorsque celui-ci est, en vertu de la loi, de plein droit ou lorsqu'il est commandé par le respect du droit de chacun à mener une vie familiale normale ;

Quant au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de droit pénal des mineurs :

36. Considérant que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du xxe siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ;

37. Considérant que ce principe n'est pas méconnu du seul fait que les dispositions contestées ne comportent pas de limitation quant à l'âge des personnes sur lesquelles sont recueillies des informations dans les conditions prévues à l'article 21 de la loi déférée ;

38. Considérant toutefois qu'il appartiendra au décret prévu au V de l'article 21 de la loi déférée de déterminer une durée de conservation conciliant, d'une part, la nécessité d'identifier les auteurs d'infractions et, d'autre part, celle de rechercher le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants ;

Quant au respect de la présomption d'innocence :

39. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent, jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ;

40. Considérant, en premier lieu, que l'enregistrement de données nominatives dans des traitements de la nature de ceux auxquels fait référence l'article 21 de la loi déférée ne porte par lui-même aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence ;

41. Considérant, en deuxième lieu, qu'en cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées ; que, si le procureur de la République peut en prescrire le maintien « pour des raisons liées à la finalité du fichier », cette exception à la règle générale d'effacement ne peut être justifiée que par des nécessités d'ordre public appréciées par l'autorité judiciaire ; qu'il est alors fait mention de la décision de relaxe ou d'acquittement dans le fichier ;

42. Considérant, en troisième lieu, qu'en cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont conservées sauf si le procureur de la République en ordonne l'effacement ; que, s'il ne le fait pas, les décisions de non-lieu et, lorsqu'ils sont motivés par une insuffisance de charges, les classements sans suite font l'objet d'une mention dans le fichier ; qu'il appartiendra ainsi à l'autorité judiciaire d'apprécier dans chaque cas, compte tenu des motifs de la décision prise, si les nécessités de l'ordre public justifient ou non le maintien des données en cause ;

43. Considérant, enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que toute personne inscrite dans le fichier devra pouvoir exercer son droit d'accès et de rectification des données la concernant dans les conditions prévues par l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ;

Quant au principe d'égalité :

44. Considérant qu'en vertu du II de l'article 21, la victime peut s'opposer au maintien dans le fichier des informations nominatives la concernant dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné ; que les sénateurs requérants ne sauraient invoquer utilement, à l'encontre de cette disposition, une quelconque rupture du principe d'égalité ;

Quant à la compétence du législateur :

45. Considérant que, loin d'avoir méconnu l'étendue de sa compétence, le législateur a assorti les dispositions critiquées de précisions dont certaines relèvent du pouvoir réglementaire et qui, au demeurant, avaient jusqu'ici été traitées comme telles ;

46. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux considérants 26, 34, 35, 38 et 43, les articles 21 et 25 ne sont pas contraires à la Constitution ;

Sur l'article 28 :

47. Considérant que l'article 28 insère dans le code de procédure pénale un article 706-47-1 ; qu'aux termes des trois premiers alinéas du nouvel article : « L'officier de police judiciaire, agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire, peut faire procéder sur toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle prévus par les articles 222-23 à 222-26 et 227-25 à 227-27 du code pénal, à un examen médical et à une prise de sang afin de déterminer si cette personne n'est pas atteinte d'une maladie sexuellement transmissible. Le médecin, l'infirmier ou la personne habilitée par les dispositions du code de la santé publique à effectuer les actes réservés à ces professionnels, qui est requis à cette fin par l'officier de police judiciaire, doit s'efforcer d'obtenir le consentement de l'intéressé. A la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, cette opération peut être effectuée sans le consentement de l'intéressé sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d'instruction qui sont versées au dossier de la procédure » ; que le quatrième alinéa du nouvel article 706-47-1 prévoit que le résultat du dépistage est porté à la connaissance de la victime par l'intermédiaire d'un médecin ; que son cinquième alinéa punit le refus de se soumettre au dépistage ;

48. Considérant que, pour les auteurs des deux saisines, ces dispositions méconnaîtraient les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 en raison de la liste d'infractions dressée, selon eux, de façon trop extensive par le premier alinéa du nouvel article 706-47-1 du code de procédure pénale ; que l'obligation d'un examen médical et d'une prise de sang serait excessive au stade de l'enquête préliminaire ; que rien ne justifierait qu'un prélèvement sanguin soit effectué à la demande de la victime sans le consentement de l'intéressé ; que, s'agissant d'une atteinte à la liberté individuelle, l'autorité judiciaire ne saurait, selon la saisine, se borner à ratifier la demande de la victime ; que l'obligation de se soumettre à un examen médical et à une prise de sang méconnaîtrait les droits de la défense, le principe du procès équitable et « l'égalité des armes » entre l'auteur et la victime ;

49. Considérant, en premier lieu, que les dispositions critiquées prévoient, dans l'intérêt de la victime d'un viol, d'une agression ou d'une atteinte sexuelle, la possibilité de procéder à un simple examen médical et à un simple prélèvement sanguin sur une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis l'un des actes mentionnés aux articles 222-23 à 222-26 et 227-25 à 227-27 du code pénal ; qu'à défaut de consentement de l'intéressé, l'opération ne peut être pratiquée que sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d'instruction, et seulement à la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, notamment, dans cette dernière hypothèse, lorsque la victime est mineure ; que, dans ces conditions, la contrainte à laquelle est soumise la personne concernée n'entraîne aucune rigueur qui ne serait pas nécessaire au regard des autres exigences constitutionnelles en cause et, plus particulièrement, conformément au onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, de la protection de la santé de la victime ; que l'examen médical et le prélèvement sanguin ne portent atteinte ni aux droits de la défense, ni aux exigences du procès équitable, ni à la présomption d'innocence ;

50. Considérant, en deuxième lieu, que la liste des infractions fixée au premier alinéa du nouvel article 706-47-1 du code de procédure pénale n'est entachée d'aucune erreur manifeste eu égard à l'objectif que s'est assigné le législateur ;

51. Considérant, enfin, qu'il résulte des termes mêmes du troisième alinéa du nouvel article 706-47-1 du code de procédure pénale que l'autorité judiciaire disposera de toute latitude d'appréciation lorsque la victime demandera que soit pratiqué un examen médical ou un prélèvement sanguin nonobstant le refus de l'intéressé ; qu'elle pourra en particulier, lorsque la nature de l'infraction ne comporte pas de risque pour la santé de la victime, ne pas donner suite à la demande de celle-ci ;

Sur l'article 30 :

52. Considérant que cet article insère notamment dans le code de procédure pénale un article 55-1 ainsi rédigé : « L'officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête. Il procède, ou fait procéder sous son contrôle, aux opérations de signalisation nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers. Le refus de se soumettre aux opérations de prélèvement ordonnées par l'officier de police judiciaire est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende » ;

53. Considérant que les députés requérants font valoir que ces dispositions sont imprécises ; qu'elles portent atteinte à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du corps humain ; qu'en soumettant aux opérations de prélèvement toute « personne susceptible de fournir des renseignements », elles méconnaissent la présomption d'innocence ; que la peine prévue en cas de refus de se soumettre au prélèvement est disproportionnée ;

54. Considérant que les dispositions contestées sont formulées en termes assez clairs et précis pour satisfaire aux prescriptions de l'article 34 de la Constitution ; que les « personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause » sont celles qui sont déjà tenues de comparaître devant l'officier de police judiciaire en vertu de l'article 62 du code de procédure pénale ; qu'il résulte des dispositions de l'article 706-54 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 29 de la loi déférée, que les empreintes génétiques de ces personnes ne pourront en aucun cas être enregistrées, ni donc a fortiori conservées, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques ; que, dans ces conditions, lesdites personnes ne sont ni définies de façon trop imprécise, ni soumises, du fait de l'obligation nouvelle que leur impose l'article contesté, à une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;

55. Considérant, ainsi qu'il ressort de ses termes mêmes, éclairés par les débats parlementaires, que l'expression « prélèvement externe » fait référence à un prélèvement n'impliquant aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comportera donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés ; que manque dès lors en fait le moyen tiré de l'atteinte à l'inviolabilité du corps humain ; que le prélèvement externe n'affecte pas davantage la liberté individuelle de l'intéressé ; qu'enfin, le prélèvement étant effectué dans le cadre de l'enquête et en vue de la manifestation de la vérité, il n'impose à la « personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction » aucune rigueur qui ne serait pas nécessaire ;

56. Considérant que les prélèvements externes ne portent pas atteinte à la présomption d'innocence ; qu'ils pourront, au contraire, établir l'innocence des personnes qui en sont l'objet ;

57. Considérant, enfin, qu'en l'absence de voies d'exécution d'office du prélèvement et compte tenu de la gravité des faits susceptibles d'avoir été commis, le législateur n'a pas fixé un quantum disproportionné pour le refus de prélèvement ; qu'il appartiendra toutefois à la juridiction répressive, lors du prononcé de la peine sanctionnant ce refus, de proportionner cette dernière à celle qui pourrait être infligée pour le crime ou le délit à l'occasion duquel le prélèvement a été demandé ; que, sous cette réserve, l'article 30 n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 50 :

58. Considérant que cet article insère dans le code pénal un article 225-10-1 ainsi rédigé : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 EUR d'amende » ; qu'il complète en outre l'article 225-12-1 du même code par un alinéa aux termes duquel : « Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse » ;

Quant au nouvel article 225-10-1 du code pénal :

59. Considérant que les auteurs des deux saisines reprochent au nouvel article 225-10-1 du code pénal de porter atteinte aux principes de la nécessité et de la légalité des peines ; qu'il méconnaîtrait en outre, selon eux, le principe de la dignité de la personne humaine ;

60. Considérant qu'il est loisible au législateur de prévoir de nouvelles infractions en déterminant les peines qui leur sont applicables ; que, toutefois, il lui incombe d'assurer, ce faisant, la conciliation entre les exigences de l'ordre public et la garantie des droits constitutionnellement protégés ; qu'il lui incombe également, en vertu de l'article 8 de la Déclaration de 1789, de respecter le principe de la légalité des peines et le principe de la nécessité et de la proportionnalité des peines et des sanctions ;

61. Considérant, en premier lieu, que le racolage public est susceptible d'entraîner des troubles pour l'ordre public, notamment pour la tranquillité, la salubrité et la sécurité publiques ; qu'en privant le proxénétisme de sources de profit, la répression du racolage sur la voie publique fait échec au trafic des êtres humains ; que la création par le législateur d'un délit de racolage public ne se heurte dès lors à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

62. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de légalité des peines n'est pas méconnu par les dispositions critiquées, dès lors que celles-ci définissent en termes clairs et précis le délit de racolage public ;

63. Considérant, enfin, que les peines prévues par le nouvel article 225-10-1 du code pénal ne sont pas manifestement disproportionnées ; qu'il appartiendra cependant à la juridiction compétente de prendre en compte, dans le prononcé de la peine, la circonstance que l'auteur a agi sous la menace ou par contrainte ; que, sous cette réserve, la disposition critiquée n'est pas contraire au principe de la nécessité des peines ;

Quant au nouvel alinéa ajouté à l'article 225-12-1 du code pénal :

64. Considérant que, selon les sénateurs requérants, cette disposition méconnaîtrait le principe selon lequel nul ne peut être sanctionné que de son propre fait et celui selon lequel la définition des crimes et délits doit comporter un élément intentionnel ;

65. Considérant, d'une part, que le délit n'est constitué que si la vulnérabilité de la personne qui se prostitue est apparente ou connue de l'auteur ; que, d'autre part, cette vulnérabilité est précisément définie par son caractère « particulier » et par le fait qu'elle est due à la maladie, à une déficience physique ou psychique ou à l'état de grossesse ; que, par suite, les deux principes de valeur constitutionnelle invoqués par les sénateurs requérants sont respectés en l'espèce ;

Sur l'article 51 :

66. Considérant que l'article 51 de la loi déférée complète par un 4° l'article 225-10 du code pénal en vue de réprimer le fait, par quiconque, agissant directement ou par personne interposée, « de vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d'une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution » ;

67. Considérant que, contrairement aux affirmations contenues dans les deux saisines, ces dispositions n'interdisent nullement aux personnes qui se prostituent d'acquérir un véhicule et de l'utiliser ; qu'elles ne portent pas non plus atteinte à la liberté d'entreprendre des vendeurs et loueurs de véhicules, qui trouve sa limite dans le fait de contribuer, en toute connaissance de cause, à des activités illicites ou contraires à l'ordre public ;

Sur l'article 53 :

68. Considérant que cet article insère les articles 322-4-1 et 322-15-1 dans le code pénal ; que le premier de ces articles dispose que : « Le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu par l'article 2 de la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 EUR d'amende. - Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale » ; qu'aux termes du nouvel article 322-15-1 du code pénal : « Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue à l'article 322-4-1 encourent les peines complémentaires suivantes : - 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire ; - 2° La confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation » ;

69. Considérant que, selon les députés et sénateurs requérants, les mesures ainsi prévues portent une atteinte disproportionnée aux droits des « gens du voyage » en raison des restrictions qu'elles imposent à leur mode de vie ; qu'il en irait ainsi de la suspension du permis de conduire et de la saisie des véhicules servant à tracter les caravanes ; que les dispositions critiquées méconnaîtraient en outre le principe selon lequel la définition des délits et des peines doit comporter un élément intentionnel, dès lors que certains des occupants du terrain pourraient ne pas être conscients d'user de la propriété d'autrui sans autorisation ;

70. Considérant que la prévention d'atteintes au droit de propriété et à l'ordre public sont nécessaires à la sauvegarde de principes et de droits de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient cependant au législateur, en prévoyant la répression de telles atteintes, d'assurer la conciliation entre ces exigences constitutionnelles et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ; qu'il lui revient également, compte tenu des objectifs qu'il s'assigne, de fixer, dans le respect des principes constitutionnels, les règles concernant la détermination des crimes et délits, ainsi que des peines qui leur sont applicables ;

71. Considérant, en premier lieu, que le législateur n'a pas entaché d'erreur manifeste la conciliation qu'il lui appartenait d'opérer en l'espèce entre, d'une part, la protection de la propriété et la sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement protégées ;

72. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur ; qu'eu égard à la nature des pratiques en cause, le législateur n'a pas méconnu le principe de nécessité des peines en prévoyant les peines complémentaires de suspension du permis de conduire pendant une durée maximale de trois ans et la confiscation des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception de ceux destinés à l'habitation ;

73. Considérant, en troisième lieu, que l'occupation du terrain d'autrui rend vraisemblable la volonté de commettre l'infraction ; que la condamnation de l'ensemble des occupants illicites du terrain dans les conditions prévues par la disposition contestée n'est pas contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 dès lors que s'appliqueront de plein droit, dans le respect des droits de la défense, les principes généraux du droit pénal énoncés aux articles 121-3 et 122-3 du code pénal, qui précisent respectivement qu'« Il n'y a point de délit sans intention de le commettre » et que « N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte » ;

74. Considérant, enfin, que la distinction opérée par l'article critiqué entre les communes qui se sont conformées aux obligations que leur impose la loi du 5 juillet 2000 susvisée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et les communes qui ont négligé de le faire repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec le but que s'est assigné le législateur en vue d'accueillir les gens du voyage dans des conditions compatibles avec l'ordre public et les droits des tiers ; que c'est dès lors à tort que les députés requérants soutiennent que l'incrimination critiquée serait contraire au principe d'égalité devant la loi pénale ;

75. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 73, l'article 53 n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 64 :

76. Considérant que l'article 64 insère dans le code pénal une section 2 ter intitulée « De l'exploitation de la mendicité » ; que l'exploitation de la mendicité est notamment définie, aux termes du 2° du nouvel article 225-12-5 du code pénal, par le fait « d'en partager les bénéfices » ; que les auteurs des deux recours font valoir que cette disposition définit un délit dépourvu de caractère intentionnel et serait dès lors contraire aux articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ;

77. Considérant toutefois que s'appliquera de plein droit à la définition critiquée, dans le respect des droits de la défense, le principe général du droit pénal énoncé à l'article 121-3 du code pénal qui précise qu'« Il n'y a point de délit sans intention de le commettre » ; que, sous cette réserve, la disposition contestée ne méconnaît pas les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ;

Sur l'article 65 :

78. Considérant que cet article insère dans le code pénal un article 312-12-1 ainsi rédigé : « Le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 EUR d'amende » ;

79. Considérant que, selon les députés et sénateurs requérants, cette disposition permet de réprimer des comportements tombant déjà sous le coup du délit d'extorsion de fonds défini à l'article 312-1 du code pénal ; qu'ils soutiennent qu'une telle « double incrimination » serait contraire au principe de nécessité des peines ;

80. Considérant que le délit défini à l'article 65 vise, par ses éléments constitutifs, des agissements distincts de ceux mentionnés à l'article 312-1 du code pénal ; que le moyen tiré d'une double incrimination manque dès lors en fait ;

Sur l'article 75 :

81. Considérant que l'article 75 modifie l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; qu'il ajoute notamment au dernier alinéa de son article 12 une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour temporaire peut être retirée à l'étranger passible de poursuites pénales sur le fondement des articles 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-5 à 225-12-7, 311-4 (7°) et 312-12-1 du code pénal » ;

82. Considérant qu'il est fait grief à cette disposition par les députés requérants de placer les étrangers sous un régime arbitraire, ainsi que de porter atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense et au droit de chacun à une vie familiale normale ;

83. Considérant qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle, n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu de séjour sur le territoire national ; que, dès lors, le législateur peut, sans méconnaître aucun droit ni aucun principe de valeur constitutionnelle, subordonner le maintien ou la délivrance d'un titre temporaire de séjour à l'absence de menace pour l'ordre public ;

84. Considérant qu'eu égard à la nature des infractions visées, qui portent toutes préjudice à l'ordre public, il était loisible au législateur de permettre le retrait de la carte de séjour temporaire des personnes passibles de poursuites de ce chef ; que, pour l'application de la disposition contestée, éclairée par les débats parlementaires, il conviendra cependant d'entendre par « personnes passibles de poursuites » les seuls étrangers ayant commis les faits qui les exposent à l'une des condamnations prévues par les dispositions du code pénal auxquelles renvoie l'article 75 de la loi déférée ;

85. Considérant que, si le principe de la présomption d'innocence ne peut être utilement invoqué en dehors du domaine répressif, ni le principe des droits de la défense utilement invoqué à l'encontre du retrait de la carte de séjour pour des motifs d'ordre public, lequel constitue non une sanction mais une mesure de police, l'intéressé sera mis à même de présenter ses observations sur la mesure de retrait envisagée dans les conditions prévues par la législation de droit commun relative à la procédure administrative ;

86. Considérant, toutefois, qu'il appartiendra à l'autorité compétente, lorsqu'elle envisagera de faire application de la disposition contestée, de prendre en considération le droit de chacun à mener une vie familiale normale ;

87. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux considérants 84, 85 et 86, l'article 75 n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 76 :

88. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 76 de la loi déférée : « Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. - En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné » ;

89. Considérant que, selon la saisine sénatoriale, ces dispositions porteraient atteinte à la liberté individuelle des étrangers qui se livrent à la prostitution ;

90. Considérant qu'en dehors de la délivrance de l'autorisation de travail, les dispositions contestées ne créent aucun droit nouveau au profit des étrangers et ne les soumettent à aucune obligation nouvelle ; qu'elles ne confèrent pas non plus à l'autorité administrative des pouvoirs dont elle ne disposerait pas déjà ; qu'elles sont par suite, et dans cette mesure, dépourvues de caractère normatif et ne sauraient donc être utilement arguées d'inconstitutionnalité ;

91. Considérant que la délivrance d'une autorisation de travail aux étrangers concernés ne porte atteinte ni à leur liberté individuelle ni à aucun autre de leurs droits constitutionnellement garantis ;

Sur l'article 96 :

92. Considérant que le II de l'article 96 introduit les articles 3-1 et 3-2 dans la loi du 12 juillet 1983 susvisée réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ;

93. Considérant qu'aux termes du nouvel article 3-1 de la loi du 12 juillet 1983 : « Les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au 1° de l'article 1er peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages à main et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. - Les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au 1° de l'article 1er, spécialement habilitées à cet effet et agréées par le préfet du département ou, à Paris, par le préfet de police dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. Ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du préfet qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. Cet arrêté est communiqué au procureur de la République » ;

94. Considérant qu'aux termes du nouvel article 3-2 de ladite loi : « Pour l'accès aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 1 500 spectateurs, les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au 1° de l'article 1er, agréées par le préfet dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, ainsi que celles, membres du service d'ordre affecté par l'organisateur à la sécurité de la manifestation sportive, récréative ou culturelle en application des dispositions de l'article 23 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, titulaires d'un diplôme d'Etat et agréées par le préfet, peuvent procéder, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire et avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. - Elles peuvent, ainsi que les agents de police municipale affectés sur décision du maire à la sécurité de la manifestation, procéder à l'inspection visuelle des bagages à main et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. - A Paris, les pouvoirs conférés au préfet par le présent article sont exercés par le préfet de police » ;

95. Considérant que les auteurs des deux saisines font grief à ces dispositions de porter atteinte à la liberté individuelle et d'être formulées de façon trop imprécise ;

96. Considérant, ainsi qu'il ressort des termes mêmes des dispositions contestées, qu'en les édictant, le législateur a posé des règles claires et précises ; que, par suite, il n'est pas resté en deçà de sa compétence ;

97. Considérant que le nouvel article 3-1 de la loi du 12 juillet 1983 impose une stricte procédure d'agrément en vue d'habiliter des personnels de sécurité privés à participer à des opérations de contrôle ; que ces derniers ne peuvent procéder, sans le consentement de l'intéressé, qu'à l'inspection visuelle des bagages à main ; que l'opération dans le cadre de laquelle ils peuvent pratiquer, sauf refus des personnes concernées, des palpations de sécurité ou des fouilles de bagages à main ne peut être ordonnée que par le préfet, en raison de menaces graves pour la sécurité publique et de circonstances particulières, pour un temps et dans des lieux déterminés ; que les modalités ainsi prévues ne portent pas atteinte à la liberté individuelle ; qu'une telle mesure de police administrative, dont la nécessité sera contrôlée par la juridiction administrative, n'est contraire par elle-même à aucun principe, ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

98. Considérant qu'il en va de même du nouvel article 3-2 de la loi du 12 juillet 1983 ; qu'en effet, l'accès aux enceintes où se déroulent de grandes manifestations sportives, culturelles et récréatives justifie des mesures de surveillance particulières pour protéger la sécurité physique des participants ; qu'aucune des mesures prévues par ledit article ne porte atteinte à la liberté individuelle ;

Sur l'article 113 :

99. Considérant que cet article insère dans le code pénal un article 433-5-1 ainsi rédigé : « Le fait, au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d'outrager publiquement l'hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 EUR d'amende. - Lorsqu'il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 EUR d'amende » ;

100. Considérant que les députés et sénateurs requérants estiment que ces dispositions portent « une atteinte grave à la liberté d'expression, de conscience et d'opinion » ; qu'elles sont en outre contraires « au principe de légalité des délits et des peines et au principe de nécessité des sanctions » ;

101. Considérant, d'une part, que l'article 10 de la Déclaration de 1789 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; qu'en vertu de l'article 11 de la Déclaration : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ;

102. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 de la Constitution « L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge » ; qu'à ceux de son troisième alinéa : « L'hymne national est La Marseillaise » ;

103. Considérant, enfin, qu'il est loisible au législateur de prévoir de nouvelles infractions en déterminant les peines qui leur sont applicables ; que, toutefois, il lui incombe d'assurer, ce faisant, la conciliation des exigences de l'ordre public et la garantie des libertés constitutionnellement protégées ;

104. Considérant que sont exclus du champ d'application de l'article critiqué les oeuvres de l'esprit, les propos tenus dans un cercle privé, ainsi que les actes accomplis lors de manifestations non organisées par les autorités publiques ou non réglementés par elles ; que l'expression « manifestations réglementées par les autorités publiques », éclairée par les travaux parlementaires, doit s'entendre des manifestations publiques à caractère sportif, récréatif ou culturel se déroulant dans des enceintes soumises par les lois et règlements à des règles d'hygiène et de sécurité en raison du nombre de personnes qu'elles accueillent ;

105. Considérant qu'en instituant un tel délit, le législateur a effectué la conciliation qu'il lui appartenait d'assurer entre les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus ; que la peine qu'il a fixée ne revêt pas de caractère manifestement disproportionné par rapport à l'infraction ;

106. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve d'interprétation énoncée au considérant 104, l'article 113 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur les articles 122 et 123 :

107. Considérant que les articles 122 et 123 de la loi déférée appliquent respectivement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française des dispositions analogues à celles de son article 3 ; que les députés requérants leur adressent les mêmes reproches ; que, pour des motifs identiques à ceux exposés à propos de l'article 3, les moyens ainsi invoqués doivent être écartés ;

Sur les articles 141 et 142 :

108. Considérant que les articles 141 et 142 pérennisent en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en Guadeloupe les dispositions dérogatoires rendues applicables pour cinq ans dans les départements d'outre-mer par la loi du 11 mai 1998 susvisée ; qu'en vertu de ces dispositions, les refus de délivrance de titre de séjour à certains étrangers ne sont pas soumis pour avis à la commission du titre de séjour prévue par l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et le recours dirigé contre un arrêté de reconduite d'un étranger à la frontière ne revêt pas de caractère suspensif ;

109. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'en pérennisant un tel régime, les articles 141 et 142 méconnaissent « des droits et garanties constitutionnellement protégés, tels que les droits de la défense » et vont au-delà des adaptations au régime législatif des départements d'outre-mer autorisées par l'article 73 de la Constitution ;

110. Considérant que le législateur a pu, pour prendre en compte la situation particulière et les difficultés durables du département de la Guyane et, dans le département de la Guadeloupe, de la commune de Saint-Martin, en matière de circulation internationale des personnes, y maintenir le régime dérogatoire institué par les articles 12 quater et 40 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde des droits et libertés constitutionnellement garantis ; que les intéressés conserveront un droit de recours juridictionnel contre les mesures de police administrative ; qu'ils auront notamment la faculté de saisir le juge des référés administratifs ; que le législateur n'a pas non plus porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité compte tenu de cette situation particulière, laquelle est en relation directe avec l'objectif qu'il s'est fixé de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine ; que les adaptations ainsi prévues ne sont pas contraires à l'article 73 de la Constitution ;

111. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

Décide :


Article 1


Ne sont pas contraires à la Constitution, sous les réserves énoncées aux considérants 26, 34, 35, 38, 43, 57, 63, 73, 77, 84, 85, 86 et 104, les dispositions de la loi pour la sécurité intérieure critiquées par l'une ou l'autre saisine.

Article 2


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 mars 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.


Le président,

Yves Guéna